Coaching littéraire

de Tristan Choisel
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Sa femme aimerait beaucoup que leur fils devienne poète. Il va voir ce qu’il peut faire - avec les méthodes qui sont les siennes...



> Texte publié chez Lansman Editeur - avec le soutien du CNL.
 
> Écriture finalisée en résidence à la Maison des Écritures et des Écritures Transmédias (M.E.E.T) Hypolipo (hypolipo.com). 

> Mise en lecture en Roumain (traduction Diana Nechit) dans le cadre du Festival international de théâtre de Sibiu, en juin 2019. Texte édité en français et en roumain dans l'Anthologie des pièces présentées dans la section "lectures", disponible au Théâtre National Radu Stanca.

> Lecture par l'auteur à Présence Pasteur (Avignon), en juillet 2019.

> Mise en espace à la Mousson d'été, en août 2019, à l'Abbaye des Prémontrés - Pont-à-Mousson. 

> Pièce sélectionnée par le comité de lecture du Théâtre du Rond-Point - mise en espace dans la Piste d'Envol par Benoît Di Marco, avec Anne Benoît, Dominique Parent, Pierre Guillois, Vincent Debost, Mathias Jung et Paul-Emile Pêtre - mars 2020. 

> Publication en allemand (traduction : Wolfgang Barth - titre allemand : Dichtercoaching) - Kaiserverlag - 2020.

> Pièce sélectionnée par le comité de lecture du Théâtre de l'Ephémère (2020 - présentation du texte dans la revue La Récolte #2 - octobre 2020).

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> durée : 1 h 15
> 6 personnages (1 femme et 5 hommes)
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Dans "Coaching littéraire", tout est permis aux riches. Et ils en profitent bien, sans crainte du ridicule.
Anaïs Heluin
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Une comédie dramatique, fantaisiste et grinçante, sur les conséquences des failles narcissiques en milieu fortuné (et ailleurs).
TC
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Extrait (début)



Dans une rue résidentielle, une maison modeste aux volets jaune citron un peu défraîchis, au pied de laquelle se trouve une cour. Paul-Denis s’approche de cette maison et s’adresse à un ou plusieurs interlocuteurs situés dans la cour. Il est difficile de dire combien d’interlocuteurs.
PAUL-DENIS. Je peux entrer ? – j’entre. Ça va bien ? J’habite la très belle villa un peu plus loin, vous voyez ? – vous voyez forcément. On a déjà parlé ensemble ; une fois, à la librairie, vous vous souvenez ? je vous demandais si vous aviez lu un livre ou l’autre, je ne sais plus lequel, vous ne l’aviez pas lu, vous ne lisez pas ce genre-là – vous voyez si je me souviens bien – ; une autre fois, c’était dans la rue, il y avait un vent de tous les diables, d’une violence qui fait que des inconnus tolèrent de s’adresser la parole – je me souviens bien, pas vous ? c’est normal, vous voyez beaucoup de monde – quoique moi aussi. Mais voilà, je vais avoir besoin de vous. Ça fait très longtemps que je vous observe, très longtemps, j’ai tout observé de vous, jusqu’à la façon que vous avez d’observer, et c’est extraordinaire comme vous êtes vous-même, comme vous êtes sauvagement vous-même, je ne vous apprends rien, c’est ce que tout le monde doit vous dire : vous respirez l’authenticité. Moi pas du tout ; mon authenticité, je n’ai aucune idée de sa nature, elle est si profondément enfouie, si massivement recouverte – et je me garde bien de creuser, si je portais au jour ne serait-ce qu’une minuscule part de mon authenticité, elle me foutrait par terre, ça m’exploserait à la tête, à cause de la fermentation ; c’est vraiment préférable que je ne creuse pas, je n’y aurais même jamais pensé si un péril n’avait commencé de me gagner avec les années ; longtemps j’ai pu vivre tout à fait normalement sans authenticité ; c’était douloureux, monstrueusement, mais c’était tout ce que ça me faisait ; aujourd’hui, avec l’âge, je ne sais pas pourquoi, ça devient risqué, je m’essouffle, mon manque d’authenticité n’est plus seulement douloureux – je m’explique : je crois que je vais m’effondrer sur moi-même et pourrir dans la seconde ; dans la seconde, atteindre à l’authenticité de la pourriture ; je ne voudrais pas en arriver là, comment faire ? – je résume : mon authenticité propre est une vraie bombe, j’ai raison de ne pas aller la titiller, et l’authenticité de la pourriture ne me ferait pas plaisir, alors qu’est-ce qu’il me reste à faire ? j’ai eu cette idée : me rattraper à l’authenticité des autres, m’en nourrir – et, entre nous, se nourrir de l’authenticité des autres, c’est peut-être encore plus profitable que de vouloir développer la sienne propre, même quand on ne court pas le risque de l’explosion : c’est l’autre qui est authentique, c’est lui qui prend le risque d’être pauvre ou rejeté – de toute façon, je n’ai pas le choix, et j’ai donc eu cette idée : chaque fois que je verrai venir les signes de l’effondrement annonciateur de pourriture, je me rapprocherai très vite d’une personne authentique pour prendre sans attendre une grande bouffée de son authenticité ; vous habitez juste à côté de chez moi, ça sera très pratique ; et j’ai de la chance, des gens authentiques, il n’y en a pas d’autres dans notre rue, je les ai tous bien observés, c’est vous qu’il me faut, vous êtes parfait pour ce que j’ai.
GUILLAUME. De très loin.
Papa !
PAUL-DENIS. Je n’allais quand |même pas…
GUILLAUME. Papa !
PAUL-DENIS. À Guillaume.
Un instant, merde ! Tu ne vois pas que je parle ?!
À l’interlocuteur.
Je disais que je n’allais pas quand même vous écrire, ni vous guetter, j’ai trouvé plus naturel de venir directement chez vous, vous proposer mon amitié.
Je vais voir ce qu’il veut.
GUILLAUME. Qu’est-ce que tu branles ?!
PAUL-DENIS. Je bavarde avec le voisinage – ça t'ennuie ?
GUILLAUME. Depuis quand bavardes-tu avec le voisinage ?
PAUL-DENIS. Je change mes habitudes.
GUILLAUME. Ah bon.
PAUL-DENIS. Qu'est-ce que tu veux ?
GUILLAUME. Tu n'as pas d'autre voisinage que celui-là, pour bavarder ?
PAUL-DENIS. Je bavarde avec qui j'ai envie de bavarder, Guillaume.
GUILLAUME. Avec des gauchistes.
PAUL-DENIS. Ils sont peut-être gauchistes, et alors ?
GUILLAUME. Et alors ?
PAUL-DENIS. Je ne crois pas qu’ils soient gauchistes.
GUILLAUME. Tu as de la merde dans les yeux.
PAUL-DENIS. Admettons qu’ils soient gauchistes, je m’en fous. Pourquoi viens-tu me déranger ?
GUILLAUME. Fais attention, vieillir c’est faiblir.
PAUL-DENIS. Pourquoi viens-tu me déranger ?
GUILLAUME. Ta femme a besoin de toi – j’aimerais bien que cette folle cesse de me prendre pour son messager.
PAUL-DENIS. Ma femme n’est plus ta mère ?
GUILLAUME. Je crois que si, malheureusement.
PAUL-DENIS. Alors sois plus simple : appelle-la Maman.
GUILLAUME. Maman-la-Folle. Elle a besoin de toi.
Guillaume commence à s’éloigner.
PAUL-DENIS. Où est-elle ?
GUILLAUME. Dans la maison.
PAUL-DENIS. Où ça, dans la maison ?
GUILLAUME. Qu’est-ce que j’en sais ?
PAUL-DENIS. Mais merde, c’est pourtant une information essentielle.
GUILLAUME. Si tu te baladais pas sans ton portable, c’est toi qu’elle aurait appelé : tu lui aurais demandé où elle |est.
PAUL-DENIS. Appelle-la.
GUILLAUME. J’ai pas trop le temps.
PAUL-DENIS. Je ne sais pas où est mon portable, Guillaume !
Guillaume est parti.
GUILLAUME. C’est pourtant un objet essentiel !
PAUL-DENIS. Crève.
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NOTE D'INTENTION DE L'AUTEUR

Je défends l’idée, dans cette comédie dramatique, que la compétition, lorsqu’elle est une violence faite à l’autre et à soi-même, ne peut que mener à des monstruosités ; que la compétition n'est admissible que dans le respect de soi et des autres ; que si un système économique ne permet pas la compétition dans le respect de soi et des autres, il est un mauvais système économique ; que notre système économique n’est pas un bon système économique.
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Texte intégral et/ou résumé complet sur demande.